Comme le disent nos confrères algériens, "l'aventure militaire de Haftar dans l'Ouest libyen est finie, quatorze mois après avoir surpris tout le monde". L'«armée» nationale autoproclamée que Haftar a mise sur pied à l'aide des Émirats, de l'Arabie, de l'Égypte et plus tard la Russie, a accumulé une série de revers cauchemardesques, ces dernières semaines, et perdu son ultime bastion, Tarhouna, où se trouvait la base logistique de l'offensive contre Tripoli. C'est donc la fin d'une page trouble que le maréchal a ouverte, en avril 2019, quitte à motiver l'implication de l'OTAN dans une guerre aux multiples paramètres dont et surtout son effet d'endiguement dans le nord de la Syrie.
Pour avoir perdu la bataille, Haftar n'en reste pas moins ce catalyseur qui a réussi à connecter Idlib à la Libye, ne serait-ce que par le déploiement de ces 13 000 terroristes qui à bord de bateaux et d'avions turcs ont débarqué à Tripoli et qui US/OTAN aidant, ont l'intention de reprendre le Syrte. L'axe Emirat-Israël ayant joué un parfait double jeu dans la stricte intention de piéger la Russie, et de la distraire en Syrie, Moscou à qui les USA demandent désormais de quitter le Moyen-Orient et de cesser de nuire à la sécurité de l'Afrique du Nord va-t-elle concéder à la défaite?
Certes le ministre russe des Affaires étrangères et son homologue turc ont affirmé ce mardi avoir enterré la hache de la guerre et Ankara dit même que Moscou est prêt à le soutenir, n'empêche que l'OTAN dispose désormais de deux bases aériennes de taille à al Watiya et à Tripoli et la Russie saurait difficilement ne rien faire vu ses intérêts en Méditerranée orientale. Le jeu de balançoire entre Idlib et la Libye risque donc de basculer. Par où pourrait commencer ce basculement? Plus d'un analyste évoque le nom d'Idlib, tant est vrai que la victoire d'Erdogan à Tripoli ne pourrait être définitive s'il perd à nouveau la bataille d'Idlib.
Simultanément à l'avancée des forces soutenues par Ankara et au transfert de milliers de terroristes du nord-ouest de la Syrie vers la Libye, ce qui est propre à changer numériquement le rapport des forces en faveur de l'armée syrienne et ses alliés sur le terrain, ces derniers ont envoyé des armes lourdes aux régions de Kafranbel, Saraqib, Maarat al-Noman au sud et au sud-est de la province d'Idlib, soit des localités où Erdgan a perdu sa guerre en février avant de s'aller à Canossa à Moscou.
Selon des sources proches de la Résistance, des renforts arrivent au sud d'Idlib en appui à l’armée syrienne. Les combattants de l’axe de la Résistance sont, eux, en état d’alerte et se déploient près des lignes de contact avec les zones occupées par les terroristes pro Ankara dans la banlieue sud d’Idlib. Pas une minute sans que les drones de l'armée syrienne et de la Résistance ne survolent le ciel des régions du sud et du sud-est, surveillant les agissements de Hayat Tahri al-Chaam, du parti al-Turkistani entre autres. ">Les MiG-29S syriens tout comme les Su-24, ayant fait escale entre Idlib et l'est libyen, n'ont pas manqué de bombarder à l'ouest d'Alep les postes militaires turcs qu'on sait être des bases d’approvisionnement pour Al Nosra et autres terroristes.
Syrie: fulgurante frappe des MiG-29 dans le nord-ouest
L'information est importante quand on sait que l'armée turque n'a cessé depuis le 5 mars et sa trêve avec la Russie de militariser la zone et d'y acheminer outre des armements habituels, des batteries de missiles antimissiles Hawk et des missiles antiaériens.
Que cherche l'armée syrienne à ce stade? Une opération militaire par étape avec le point de départ le sud d'Idlib et qui vise à sécuriser l’autoroute internationale d’Alep-Lattaquié et à chasser les terroristes des zones occupées jusqu'à la ville stratégique de Jisr al-Choghour.
L'objectif? La reprise de toutes les zones au sud de de l’autoroute d’Alep-Lattaquié, étendues dans le sud d'Idlib, le nord-ouest de Hama et le nord-est de Lattaquié, ce qui revient au même la sécurisation de la voie terrestre vers la côte syrienne. Il y a là un plan bien précis : faire en sorte que la Turquie et partant l'OTAN n'ait plus sous leur occupation que la seule ville d'Idlib. Vu la grande aventure d'Erdogan en Libye et son ambition de s'emparer de Syrte, difficile pour la Turquie de ne pas fournir les rangs de son contingent libyen, un plus qui jouerait en faveur de l'armée syrienne et de ses alliés à Idlib.
Certes, les éléments du Front national de libération (FNL) renforcent leurs positions sur l'axe Jabal al-Zawiyah au sud de la province d'Idlib et sur l'autoroute internationale Alep-Lattaquié, y transférant depuis Jabal Zawiya du matériel militaire lourd, notamment l'artillerie, vers les zones d'al-Bar et Deir al-Sonbaol, mais la plaie libyenne est ouverte et le succès d'Erdogan, somme toute fragile. Erdogan et par delà de lui, l'OTAN, pourra-t-il tenir tête à une lourde offensive Syrie-Alliés à Idlib tout en préservant ses acquis à Tripoli? Contrairement à la Libye, la Russie peut compter sur la Syrie et la Résistance pour empêcher que le "Sultan" ne se gonfle pas outre mesure...